burnout-approche-psychosociologiqueUne nouvelle approche psychosociale du burnout le fait apparaître comme une conséquence des discordances entre les exigences de l'organisation et les besoins des travailleurs.

La nouvelle approche psychosociale

L'approche psychologique du burnout peut parfois rendre compte du parcours qui conduit une personne à l'épuisement mais... Mais elle accable cette personne et suggère qu'elle serait, assez naïvement, tombée dans le piège de ses propres illusions. En suggérant qu'elle aurait pu et dû mieux s'y prendre pour éviter d'en arriver là, cette approche rappelle certains préjugés tenaces qui entourent encore la dépression.

À cette vision simpliste, les chercheurs américains Christina Maslach et Michael Leiter ont opposé un démenti formel en redéfinissant le burnout (voir encadré 1) comme un mal psychosocial.

Le modèle des discordances

Entre la nature de la personne et la nature du travail qu'on lui demande de faire, Maslach et Leiter ont observé et décrit ce qu'ils appellent des "discordances majeures".

Ni une faiblesse ni une attitude inappropriée de l'employé seraient à l'origine du burnout mais bien la présence et l'intensité de discordances telles que:

Surcharge de travail

Trop peu de temps et trop peu de ressources pour accomplir le travail.

Manque de contrôle

La réduction des coûts prime sur les besoins des clients et des employés

Perte du lien et du soutien social

Aujourd'hui, on prend mieux en compte les "discordances" entre les exigences de l'organisation et les capacités, valeurs, besoins de contrôle et de soutien de la personne

Accélération, précarisation, travail à temps partiel et sous-traitance diminuent le sentiment d'appartenance.

Manque de transparence ou d'équité

Evaluations, promotions et primes arbitraires diminuent la confiance et le sens d'accomplissement.

Conflits de valeurs

Des tâches qui semblent contraires à l'éthique ou aux valeurs personnelles font douter de l'utilité du travail accompli.

Dans ma pratique de psychothérapeute

Cette deuxième approche psychosociale se révèle souvent plus pertinente et rend mieux compte des difficultés et contraintes auxquelles la personne qui me consulte doit faire face.

Elle permet également de comprendre que l'épuisement professionnel peut intervenir en tout début de carrière.

Le récit remarquable de la jeune Marion Bergeron (voir encadré 2) nous éloigne une fois pour toutes de la vision naïve du burnout comme une sorte de vague crise existentielle frappant des quadragénaires déçus ou blasés.

La nouvelle définition du burnout de Christina Maslach et Michael Leiter

maslach-ea-1997Le burnout est un indice de la fracture entre ce que les gens sont et ce qu'ils sont obligés de faire. C'est une érosion des valeurs, de la dignité, de l'esprit et de la volonté - une érosion de l'âme humaine.

C'est un mal qui se répand graduellement et de manière continue, enfermant les personnes dans une spirale descendante dont on se remet difficilement...

Que se passe-t-il quand vous vous épuisez professionnelement? Trois choses. Vous vous sentez chroniquement épuisé(e). Vous devenez cynique et détaché(e) par rapport à votre travail. Vous vous sentez de plus en en plus inefficace.

(Source: The Truth About Burnout)

En burnout à 25 ans - Quand un CDD vire au cauchemar

marion bergeron

Elle m'écoute quelques minutes. Me colle une tasse chaude entre les mains. Réunit mon badge, mes cigarettes et son briquet dans ma poche. Me conduit à la porte de derrière et file s'occuper de l'homme de l'accueil. Le soleil ne se gène pas pour brûler mes paupières douloureuses. Je profite, inerte, du calme poussiéreux de la grande route avant de retourner à mon poste. Où, comme une coquille vide, je déroule des partitions de conversations mécaniques. Me perdant dans les gestes répétitifs et les sourires factices. Incapable d'accorder le moindre intérêt à Julie qui nous fait une longue présentation des nouveautés de l'intranet pendant la réunion. Je ne parle à personne de l'altercation de la matinée. Je connais déjà leur réaction désolée et impuissante.

Le lendemain matin, mon médecin garde la bouche grande ouverte pendant que je lui raconte mes mésaventures professionnelles. Il me prescrit une semaine d'arrêt et des antidépresseurs. Je respire à nouveau...

(Extrait de: 183 jours dans la barbarie ordinaire de Marion Bergeron)