famille_introQuelqu’un vient de prononcer le mot. Un psychiatre, sans doute. Schizophrénie. Tout ce qui est arrivé dans la famille au cours des trois derniers mois quand Julie, cette grande adolescente de dix-sept ans, s’est tout à coup mise à fuguer et à réapparaître au milieu de la nuit et à hurler devant la porte et à insulter les voisins et à voir des monstres partout et à entendre des voix et à dormir dans la cabane au fond du jardin et à fuguer encore et à…Tout ça, apprennent ses parents lors d’un bref entretien dans l’hôpital qui a fini par accueillir leur enfant, porte un seul nom. Schizophrénie. Voilà, les parents peuvent disposer, maintenant. Ah, puisqu’ils insistent pour être renseignés, oui, la schizophrénie est une maladie mentale le plus souvent chronique. Et très invalidante? Oui, parfois. Mais l’issue dépend maintenant de comment leur fille répondra à la médication. Patience, donc…

Patience?

Avec méthode, les professionnels de la santé mentale prendront désormais en charge la jeune personne qui cesse, pour un temps, d’appartenir à sa famille. Dix-sept années de vie commune s’arrêtent là, le temps de trouver quel savant dosage médicamenteux rétablira au prix de quels effets secondaires un équilibre probablement à tout jamais précaire. Entre la patiente et ses proches il y a maintenant une porte sécurisée. Quand elle se referme derrière les visiteurs dument informés du diagnostic de leur enfant, ceux-ci s’éloignent d’un pas pressé et ne se retournent pas de peur de rencontrer, derrière les barreaux de l’une des rares fenêtres de cette unité pour malades difficiles, un regard qui les supplie ou qui les maudit ou qui… pire… n’exprime plus rien du tout.

Patience?

Hier encore, il y avait pourtant urgence. Une situation devenue intenable. Potentiellement dangereuse. Pour Julie. Pour les autres. C’est à partir de ce constat que certaines démarches déchirantes ont semblé inévitables…

Avant cela, il y avait une vie de famille ordinaire faite de joies et de soucis et surtout de projets. Elle avait toujours été très bonne en maths, Julie. Une future prof, comme sa tante ? Ou plutôt ingénieur, pourquoi pas ? Cela semblait mieux convenir à son tempérament un peu solitaire qui la rendait parfois franchement farouche, en société. Sa timidité ne lui avait pourtant pas interdit de rencontrer un garçon, l’année dernière. Avant qu’elle n’aille si mal, ils se voyaient très souvent et, à l’occasion des prochaines grandes vacances, il était même question qu’ils…

Il n’est plus question de rien. Quelqu’un, un psychiatre sans doute, a prononcé le mot schizophrénie. Et maintenant?

Sources

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